Debrief Atelier citoyen « A-t-on besoin du nucléaire pour limiter le réchauffement climatique ? »

Notre dernier atelier citoyen était consacré au nucléaire. Cela fait des années que la sortie du nucléaire est planifiée pour 2025. Mais entretemps l’urgence climatique est devenue de plus en plus forte. Or le nucléaire produit très peu de carbone.

Entre la sortie du nucléaire et la lutte contre le réchauffement climatique, faut-il choisir ? Qu’en ont pensé les participants à notre atelier-citoyen ? Débrief !

Le nucléaire, une énergie d’avenir

De très nombreux ingénieurs s’étaient inscrits à notre atelier-citoyen et pour eux, il n’y a pas de doute, le nucléaire est une énergie d’avenir. En fait, il faudrait surtout arrêter d’opposer le nucléaire et les énergies renouvelables. La société décarbonnée de 2050, ce sera une société où l’électricité aura remplacée autant que possible les énergies fossiles. Et pour produire cette électricité, on aura besoin à la fois du nucléaire et des énergies renouvelables.

Certains espèrent malgré tout que les énergies renouvelables puissent suffire et fondent des espoirs sur l’hydroélectricité, mais ils étaient largement minoritaires parmi les participants. La majorité estiment au contraire qu’il faudrait, comme le font d’autres pays, se lancer dans la construction de nouvelles centrales, plus sûres, plus faciles à contrôler et moins productrices de déchets que les centrales actuelles. D’ici une dizaine d’années, ces centrales pourraient être opérationnelles. Il y a urgence si on veut respecter nos objectifs climatiques, mais aussi assurer notre sécurité d’approvisionnement sans se rendre dépendants de pays comme la Chine ou la Russie.

On a aussi parlé d’hydrogène pour stocker l’électricité ou remplacer le gaz dans les usines. L’hydrogène est fabriqué à partir de l’électricité. Les besoins seront énormes, tellement que les énergies renouvelables ne seront pas suffisantes pour en produire assez. Le nucléaire sera indispensable.

Et la sobriété ?

Attention, avoir confiance dans le nucléaire ne veut pas dire qu’on ne doit pas s’inquiéter de l’énergie que l’on consomme. La nécessité de réduire nos besoins énergétiques a fait fortement débat parmi nos participants. Tous s’accordaient sur l’importance d’améliorer l’efficacité énergétique de nos maisons, de nos moyens de transports, de nos entreprises, etc., mais faut-il aussi adapter nos comportements et vivre de manière plus sobre ?

Si, pour les uns, souvent les plus âgé, c’est une question mineure, voire une régression, une menace pour notre prospérité économique ; pour beaucoup d’autres, souvent plus jeunes, c’est un élément à part entière de la solution. Et certainement dans les domaines comme la mobilité et le chauffage qui dépendent aujourd’hui fortement des énergies fossiles. Certains remettaient en question notre consommation excessive, en particulier de biens produits à l’étranger. Ils pointaient aussi nos mauvaises habitudes qui poussent aux gaspillages ou à la surconsommation des services numériques comme internet. Plusieurs d’entre eux avaient d’ailleurs joint le geste à la parole en éteignant leur caméra, nous rappelant que le numérique est une source de plus en plus importante d’émissions carbones.

Sans doute, faudrait-il favoriser cette plus grande sobriété en s’assurant que le prix des produits que l’on achète prenne mieux en compte les émissions de carbone. Même si, comme on l’a vu lors de notre atelier sur la taxe carbone, il faut être attentif à l’impact social. Mais imposer brutalement la sobriété nécessaire pour que l’on réduise par 5 ou 6 nos émissions carbones est incompatible avec la démocratie et les préférences actuelles des citoyens.

La sobriété ne peut en outre concerner que les pays les plus développés. Elle est tout simplement inaudible pour les pays plus pauvres qui constituent le gros de la population mondiale. En fait, que nous soyons plus sobres ou pas en Europe, la consommation risque fort d’augmenter au niveau global.

Bref, vouloir résoudre le défi climatique essentiellement en changeant nos modes de vie serait tout aussi utopique que croire que l’on maîtrisera la fusion nucléaire d’ici 2050. On peut le souhaiter. On peut militer en ce sens. Mais parier exclusivement dessus serait irresponsable.  

Les vieilles centrales, on les prolonge ?

Les participants à notre atelier sont largement favorables à la création de nouvelles centrales. A plus court terme, ils sont également très nombreux à plaider pour une prolongation des centrales actuelles dans l’attente de la construction des nouvelles.  Le gaz ne serait pas une bonne alternative, même de manière transitoire. Premièrement, parce que les nouvelles centrales au gaz espérées ne sont pas encore prêtes. Ensuite et surtout, parce que le déchet le plus dangereux aujourd’hui, c’est le déchet carbone. Ses effets sur le climat dureront aussi des milliers d’années et le réchauffement climatique est plus difficile à maîtriser que les déchets nucléaires. Tout le carbone qui ne sera pas rejeté dans l’atmosphère entre 2021 et 2050 est bon à prendre !

Pour eux, l’âge des centrales actuelles, en particulier des deux plus récentes, n’est pas nécessairement un problème, tant que les centrales ont été entretenues régulièrement, que les remplacements nécessaires ont été effectués. Des centrales similaires aux nôtres sont d’ailleurs toujours en activités aux USA alors qu’elles ont plus de 80 ans. Les analyses effectuées auraient aussi montré que les microfissures qui ont mises certaines centrales à l’arrêt dataient fort probablement de la construction des centrales et ne représentaient pas un danger. Enfin, il est faux de croire que l’on pourrait connaître une catastrophe de type Fukushima ou Tchernobyl car les technologies utilisées là-bas étaient trop différentes des nôtres. Un seul accident majeur avec une centrale semblable à Doel et Tihange peut être relevé dans l’histoire : celui de Three Miles Island aux USA en 1979, avec des conséquences sur l’environnement et la santé bien moindre. La solidité des cuves a permis d’éviter une éventuelle explosion du réacteur.  

La plupart des participants réclament par conséquent un signal politique fort en faveur du nucléaire. Continuer à tergiverser mettrait en danger les investissements nécessaires et conduirait à la perte d’une expertise essentielle alors que la Belgique est à la pointe actuellement. Aujourd’hui déjà, des personnes qualifiées se tournent vers de nouveaux secteurs et il devient beaucoup plus difficile d’attirer de nouveaux talents. Gérer des déchets et démanteler des centrales, ce n’est vraiment pas très attractif.

Science et confiance

« Le réchauffement climatique, plus on en connait, plus on s’inquiète. Le nucléaire, plus on en connaît, plus on est rassuré ». Voilà qui résume l’état d’esprit de la majorité des participants de notre atelier. Selon eux, le débat sur le nucléaire est trop souvent dominé par les émotions et la peur des catastrophes, alors que les accidents sont exceptionnels et que les autres énergies causeraient bien davantage de morts. Une meilleure information est essentielle pour retrouver l’adhésion des citoyens. Ils suggèrent de soumettre la question à une assemblée citoyenne éclairée par des experts. Ils en appellent à la confiance dans la science. Ils proposent aussi de créer un comité citoyen de contrôle nucléaire, complémentaire à l’AFCN (agence fédérale du contrôle nucléaire) afin de garantir la transparence et la sécurité et restaurer la confiance des citoyens envers la filière.

Tous les participants ne sont pas convaincus pour autant. Pas qu’ils remettent en cause les experts. Plutôt qu’ils rappellent la fragilité humaine. Ils se méfient des systèmes trop complexes, des modèles où le risque est marginal. Ils craignent l’imprévu. Ils se disent qu’à long terme l’improbable finit par arriver une fois et qu’accepter un risque, même infime, d’accident nucléaire, ce n’est pas acceptable.

Et vous ?

Et vous, qu’en pensez-vous ? Estimez-vous, comme la majorité des participants à notre atelier-citoyen, que nous ne pourrons pas limiter le réchauffement climatique sans le nucléaire ? Ou défendez-vous résolument la sortie du nucléaire ? Souhaitez-vous que les centrales actuelles soient prolongées ? Soutenez-vous la construction de nouvelles centrales ?

Pendant plusieurs semaines encore vous, le match se poursuit sur notre plateforme ilferabeaudemain.team. Pour l’instant, le score est clairement en faveur du nucléaire, mais la partie n’est pas terminée. Votre avis importe, il peut encore faire basculer le match.

Ensemble, construisons un mouvement positif.