Faut-il obliger les partis à annoncer avec qui ils veulent former une coalition avant les élections ?

La formation de gouvernements en Belgique est très problématique. A deux reprises, les partis ont eu besoin de plus d’un an pour former une coalition. Cette inefficacité, source de nombreuses frustrations, est un danger pour la démocratie.
Ne pourrions-nous pas anticiper le problème de la formation des gouvernements avant les élections ? Comment s’y prendre ? Faut-il obliger les partis à annoncer avec qui ils veulent former une coalition avant les élections ? Faut-il rendre la coalition annoncée contraignante ? Faut-il une prime de coalition ?
Contexte
Les élections restent la première forme de participation citoyenne, mais les citoyens ont souvent l’impression que leur vote n’a que peu d’importance. Quel que soit le résultat des élections, c’est la négociation des coalitions entre les présidents de parti qui détermine la composition des gouvernements. Cette négociation est bien entendu déterminée par le nombre de sièges obtenus lors du scrutin par chaque parti, mais il n’est pas rare que des partis perçus comme ayant « perdus » les élections s’entendent pour former une coalition.
Le sentiment que la négociation entre les partis est finalement plus importante que les élections elles-mêmes est d’autant plus important lorsque les négociations s’étendent sur plusieurs mois, voire sur plus d’une année, comme nous en avons fait à deux reprises l’expérience. La formation des gouvernements est, il est vrai, rendue d’autant plus complexe par la multiplication du nombre de partis. Alors que pendant longtemps, trois partis essentiellement étaient représentés au Parlement, la séparation des partis traditionnels en une aile flamande et une aile francophone, suivie de l’émergence de nouveaux partis politiques a conduit à l’émiettement du champs politique entre de multiples partis.
Quels que soit ses mérites par ailleurs, le scrutin proportionnel favorise cet émiettement dont les conséquences sont bien connues de la science politique, notamment le manque de stabilité gouvernementale due à la nécessité de former des coalitions comprenant de nombreux partis, la compétition permanente entre les partis afin de se différencier des autres, la difficulté pour des partis trop petits de disposer des ressources suffisantes pour financer des centres d’études…
La perte de confiance des citoyens dans la démocratie est dès lors nourrie à la fois par la dévalorisation des élections et par l’affaiblissement des gouvernements et des partis politiques. Certains citoyens peuvent aussi se sentir floués car ils auraient pu voter différemment s’ils avaient connu au préalable la coalition dans laquelle le parti de son choix est entré.
Que faire ?
Pourquoi ne pas renverser l’ordre actuel de formation des gouvernements ? Plutôt que de voter et puis de former des coalitions, on pourrait demander aux partis d’annoncer les coalitions avant les élections afin que l’électeur puisse voter pour le parti qui a sa préférence tout en connaissant avec quels autres partis il veut former un gouvernement.
Pour y arriver, on pourrait par exemple réserver 20% des sièges (à la Chambre, cela correspondrait à 30 sièges sur les 150) pour constituer une « prime de coalition » attribuée à la coalition annoncée qui a obtenu le plus de votes. Concrètement, le scrutin se passerait comme aujourd’hui pour l’attribution de 80% des sièges, tandis que pour les 20 derniers pourcents, on additionnerait les voix obtenues par les partis de chaque coalition annoncée à l’avance et l’on répartirait les derniers sièges entre les partis de la coalition qui disposerait d’une majorité relative des voix. Chaque parti de cette coalition recevrait un nombre de sièges supplémentaires proportionnel à son poids électoral dans la coalition. Ainsi, si le parti A et le parti B ont annoncé qu’ils souhaitaient former une coalition, mais que le parti A a obtenu deux fois plus de voix que le parti B, il recevra 20 des 30 sièges supplémentaires et le parti B les 10 restants. Pour les élections fédérales, les coalitions devraient comprendre au moins un parti de chaque communauté linguistique.
D’autres modalités peuvent être imaginées, comme un scrutin en deux tours où les coalitions seraient formées entre les deux tours ou un « apparentement » entre les partis de chaque coalition – ce qui signifierait que l’on additionnerait les résultats des partis de chaque coalition pour l’octroi des derniers sièges de chaque circonscription.