La société a besoin d’un nouvel élan, les citoyens ont besoin d’espoir

« Il fera beau demain – Mouvement positif » est un processus qui se veut participatif. La situation sanitaire et le deuxième confinement ont-ils bousculé le calendrier prévu ?

Oui, fortement. Durant le printemps, nous avons récolté de nombreuses propositions de citoyens. Nous avons été nourris par des rapports d’experts. Pendant l’été, nous en avons fait la synthèse et rédigé une pièce à casser d’une centaine de propositions. Nous avions prévu de les diffuser début octobre et d’organiser des débats autour de ces propositions partout en Wallonie et à Bruxelles. Les coordinateurs avaient planifié de nombreux évènements. Des assemblées mélangeant des citoyens tirés au sort et des élus étaient également programmées. Enfin, nous étions sur le point de lancer l’opération « Parlons (en) vrai » dont l’objectif était de partir à la rencontre des citoyens pour comprendre la manière dont ils avaient vécu le premier confinement et si pour eux l’après-crise devait signifier un retour à la normale ou s’ils étaient favorables à des changements sociétaux profonds. Nous avons dû nous rendre à l’évidence : il n’est pas possible de faire un vrai processus participatif si les personnes ne peuvent pas se rencontrer directement. Les débats en ligne c’est intéressant mais cela ne suffit pas. Nous avons donc décidé d’être fidèles à notre ambition et d’attendre qu’il soit à nouveau possible d’organiser des débats pour diffuser notre pièce à casser. Nous tenons à bien faire les choses. Nous espérons donc pouvoir lancer la phase de co-construction au printemps.

 

Et qu’allez-vous faire durant les prochains mois ?

Les prochains mois vont nous permettre d’approfondir plusieurs questions qui ont généré des discussions importantes parmi les personnes qui ont contribué à la première étape du processus. Ce sont des « Grands Choix » que nous devons faire et qui seront cruciaux pour le positionnement du futur mouvement. Voulons-nous par exemple que tous les jeunes fassent un service citoyen ? Pensons-nous qu’il n’est pas possible de se passer totalement du nucléaire si l’on veut lutter contre le réchauffement climatique ? Estimons-nous que tous les jeunes devraient faire obligatoirement un service citoyen ? La plateforme participative (www.ilferabeaudemain.team) permet à tout le monde de donner son avis sur ces questions. Nous allons aussi nourrir le débat par des vidéos et organiser un atelier citoyen en ligne sur chacune d’entre elles. Nous comptons aussi profiter des prochains mois pour réfléchir à la gouvernance interne du futur mouvement.

 

Ce deuxième confinement vous a contraint à revoir le calendrier, mais comment se fait-il que nous n’ayons pas pu éviter cette seconde vague ?

Je ne prétends pas pouvoir réellement répondre à cette question, mais ce qui me frappe, c’est à quel point nous – je veux dire : la société dans son ensemble – manquons d’imagination. Nous tenons à nos habitudes, notre organisation, nos modes de vie et il nous est très difficile d’en changer.

Lorsqu’un évènement survient qui rend impossible de vivre comme nous l’avons toujours fait, nous ne savons plus comment réagir. Sur le plan personnel, nous sommes insécurisés et aspirons à pouvoir recommencer à vivre comme avant dès que possible. Sur le plan collectif, les repères qui permettent de nous coordonner s’estompent et les rapports sociaux deviennent plus conflictuels.

Ce manque d’imagination favorise le déni de la réalité. Comme nous ne parvenons pas à imaginer comment nous pourrions nous comporter autrement, nous refusons de nous adapter et nous méconnaissons les évidences. Souvent le temps fait son œuvre et tout finit par reprendre son cours, mais il arrive, comme dans le cas de la crise sanitaire, que les faits soient têtus. Continuer à les nier nous condamne à éprouver ce douloureux décalage entre le réel et notre compréhension de celui-ci. L’incapacité de nous adapter individuellement est anxiogène pour chacun d’entre nous. L’incapacité de réagir collectivement est mortelle pour certains d’entre nous.

 

Est-ce que ce sont ce manque d’imagination et ce déni de la réalité qui expliquent pourquoi personne – ou si peu – n’a anticipé la seconde vague qui nous frappe actuellement, selon vous ?

Oui. Nous avons été prévenus qu’il risquait d’y avoir une seconde vague, mais nous ne savions tout simplement pas comment faire. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour changer nos comportements, modifier nos codes sociaux et acquérir de nouveaux réflexes. C’est à la fois d’une extrême banalité et particulièrement dramatique.

C’est pourquoi compter sur la seule responsabilité individuelle est voué à l’échec. C’est dans les périodes de crise que le politique doit démontrer toute son utilité. Nous avons besoin qu’il coordonne nos comportements puisque ceux-ci ne parviennent plus à se coordonner naturellement. Nous avons besoin qu’il rende espoir en proposant une alternative. Nous avons besoin qu’il s’inspire des innovations qui surgissent ça et là pour nous convaincre qu’il est possible de vivre autrement, que cela peut même être une source de progrès.

Mais jusqu’ici, le politique a manqué autant que nous manquons d’imagination. Si, en mars dernier, il a été à la hauteur de la crise, s’il est parvenu en l’espace de quelques semaines à parler d’une voix forte et cohérente, il a failli ensuite. Il s’est perdu dans ses divisions et ses errances, ajoutant de l’anxiété à l’anxiété et perdant le peu de légitimité qu’il lui restait. C’est grave, et d’autant plus grave que d’autres crises sont déjà à nos portes, en commençant par le dérèglement climatique.

Rendre confiance dans le politique et faire preuve d’imagination pour proposer une nouvelle vision de la société, ce sont les objectifs de notre mouvement positif. Il me semble plus nécessaire que jamais d’aller jusqu’au bout de notre démarche. La société a besoin d’un nouvel élan. Les citoyens ont besoin d’espoir.