Première Assemblée citoyenne : la parole aux jeunes !

Neuf heures, heure de rendez-vous. Ils sont 45 à se rendre à Liège pour participer à la première Assemblée citoyenne du mouvement. Il s’agit d’un exercice de démocratie nouveau pour beaucoup et pour Il fera beau demain également. Certains viennent en groupe, mais pour un bon nombre de jeunes, c’est seuls qu’ils débarquent dans cette ancienne abbaye transformée en auberge de jeunesse moderne. Ils ont parfois la boule au ventre d’arriver solo, mais ce sentiment s’éloigne rapidement et laisse place aux premières rencontres.
Pour ces jeunes, le logement est une thématique importante. Que ce soit à Bruxelles ou en Wallonie, les prix grimpent, acheter seul devient souvent compliqué. Maxime est un jeune travailleur dans la biotechnologie. Dans un futur proche, il espère pourvoir acheter un bien immobilier. « La thématique est très importante car je suis un jeune qui vient de se lancer sur le marché du travail. Acheter un bien et devenir propriétaire, c’est une idée qui tourne dans ma tête. Donc comprendre le pourquoi, comprendre l’actualité des prix qui augmentent, les impacts, c’est très important pour moi. Essayer de comprendre les problématiques qui peuvent survenir à l’achat et à la location, c’est aussi le but de ma venue ».
Mohammad était aussi très pressé de participer à l’assemblée. Étudiant en communication et marketing, il se sent aussi pleinement concerné par la thématique. « Je suis Bruxellois et je remarque une augmentation fulgurante du prix. Si dans 2 ou 3 ans, je veux m’acheter un bien, je sens que ça va être très compliqué, que ce soit avec les prix qui augmentent, les problèmes énergétiques des biens ou encore la vétusté des bâtiments. Donc c’est un sujet très intéressant, sur lequel il y a beaucoup à dire et qu’on peut encore creuser ».
L’atmosphère se détend de plus en plus grâce à la première activité. Céline, jeune demandeuse d’emploi et maître assistante en construction, nous explique le début de ce week-end : « J’avais un peu d’appréhension de ne connaître personne en arrivant, mais je pense que tout le monde était dans la même situation. Donc on était tous ouverts à faire connaissance. Et la première activité à jouer était parfaite pour cela… La journée du samedi a commencé par un show d’improvisation participatif. Des artistes ont joué des scènes sur nos rêves et cauchemars autour du logement. On devait les aider en donnant nos idées et cela a permis de nous lâcher un peu pour la suite. »
Les langues se délient, les premières affinités se créent et une atmosphère bon enfant se fait sentir. Qu’on ait 18 ou 35 ans, la différence ne se fait pas ressentir. C’est maintenant le moment de passer aux choses sérieuses : dialoguer avec les experts sur l’accès au logement. Pour l’occasion, trois experts ont fait le déplacement : Thomas Taels, directeur du Foyer namurois, une société de logements publics, Pascale Thys, directrice de l’asbl Habitat et Participation, et enfin, Jean-Marie Halleux, chargé de cours à l’Université de Liège, où il enseigne la géographie économique. Trois intervenants pertinents pour ouvrir ce premier débat tant attendu. Un moment riche en échanges, qui a beaucoup plu à Céline car pour elle « on était tous au même niveau. Il n’y avait pas de différence entre nous et les experts et ça favorisait vraiment le dialogue. On n’avait pas peur de prendre la parole pour donner notre avis ou nos pistes de réflexion ».
Ces premières prises de parole ont servi à alimenter les activités du reste de la journée qui se déroulaient cette fois en petits groupes. Pour Maxime, ces échanges restent un de ses moments favoris. « C’est vraiment lors de cet épisode qu’on a pu débattre des solutions concrètes. On a essayé de mettre en place toutes les belles idées qu’on a eues. Au final, on se rendait compte des contraintes, des obstacles, de la faisabilité ou non, ou encore de la mise en place. Le brassage d’idées apportait parfois des solutions auxquelles je n’aurais jamais pensé seul ». Même remarque du côté de Céline : « Ces travaux en sous-groupes nous ont vraiment permis de co-construire des solutions. Ça créait une alchimie qui donnait des idées qu’on n’aurait pas forcément eues à la base. On améliore ainsi les idées et on les concrétise ».
Pour Mohammad, c’est l’intelligence collective qui résulte de ces ateliers qui l’a le plus touché. « C’était super enrichissant ! On a discuté en permanence, on a apporté des idées et arguments. Grâce à ces groupes, on change de perspective, le regard change et on voit les choses différemment. La nuance était présente et c’est vraiment important car, pour moi, rien n’est toujours noir ou blanc. L’intelligence collective a joué un grand rôle. On avait des personnes de tous horizons professionnels, ce qui nous a permis de vraiment parler du concret, par exemple de la pratique avec des juristes, de l’avis de syndicats… des gens impliqués différemment dans la société ».
Il y a un temps pour travailler, mais aussi un temps pour se détendre. Apéro, sortie, temps-libre… Les jeunes savent travailler mais savent s’amuser aussi. « Il n’y avait pas que du brassage intellectuel », nous explique Maxime. « Il y a eu beaucoup de moments de rigolade. Il arrivait aussi que pendant un break, on échangeait encore des idées pour changer la société. C’est agréable comme week-end, un peu fatiguant car notre cerveau est toujours en ébullition, mais agréable ». Céline est aussi très enthousiaste : « On est vraiment un bon groupe qui rigole bien, mais tout en sachant bien travailler ! » En plus de cela, elle en retire beaucoup de positif sur le plan personnel : « ça m’a apporté une certaine confiance en moi. Je suis arrivée dans un groupe où je ne connaissais personne et j’ai osé donner des idées pour des actions futures, qu’on puisse faire quelque chose de chez nous. Je pense qu’on ne doit pas attendre les prochaines élections que les politiciens se réveillent. On peut le faire via le monde associatif par exemple. »
Car outre le sujet, c’est aussi la démarche qui a attiré ces nombreux jeunes. Pouvoir participer à une assemblée citoyenne, ça n’arrive pas tous les jours. Et ça Mohammad l’a bien compris : « Cette assemblée, c’est une opportunité incroyable pour débattre d’enjeux majeurs de notre démocratie. Ici, on a l’occasion de trouver des pistes de solution afin de régler un problème de la société de manière démocratique. Et en plus, on le fait face à des gens de la vie concrète, pas seulement des politiques. On est vraiment dans un exercice de démocratie directe et dans le détail, ça vient de la base. C’est un bel exemple de démocratie horizontale, c’est ça qui m’a convaincu d’y participer et j’aimerais bien que ça continue ».
Maxime, lui, voit l’assemblée ainsi que le mouvement comme la possibilité d’ouvrir ces champs de discussions : « Via les réseaux sociaux et la plateforme, je voyais que les gens débattaient de sujets auxquels je n’avais parfois jamais réfléchi à la faisabilité et d’autres que je connaissais. C’est vraiment par curiosité que j’ai atterri ici : c’est toujours intéressant de voir les avis d’experts, surtout quand ils sont opposés ».
Céline est également conquise et compte bien continuer à s’investir dans le projet : « Je crois vraiment en ce processus, que ce soit l’assemblée citoyenne ou Il fera beau demain dans son ensemble. On sort d’ici avec des idées concrètes, qui ont été bien façonnées tout au long du week-end avec un échantillon de l’ensemble de la population. Je pense m’investir dans la suite du processus pour voir ce que ça va donner, si nos idées sont écoutées. Et pourquoi pas motiver des amis à donner leur avis à d’autres évènements. Je compte donc continuer le processus et cibler plus large et varié pour que tout le monde soit représenté. C’est une belle opportunité, il ne faut pas passer à côté ».
Quelques recommandations de l’Assemblée citoyenne
1. Naturaliser les villes
Depuis les inondations de l’été 2021, l’imperméabilisation de nos sols à cause de la bétonisation des espaces s’impose comme étant un problème important. La naturalisation des espaces urbanisés y apporte une réponse en plus d’améliorer le cadre de vie des habitants et de servir la cause climatique et environnementale plus largement (biodiversité, suppression des îlots de chaleur, recharger les nappes phréatiques…). Pour y arriver, l’Assemblée propose, d’une part, de graduellement introduire une vue systémique de l’écologie dans les formations du secteur immobilier et, d’autre part, d’introduire un coefficient de perméabilité et de végétalisation que les projets immobiliers devraient atteindre.
2. Tango Climatique : rénovation énergétique à l’échelle d’un quartier/rue
Les changements climatiques nous imposent une obligation de résultats dans la rénovation du parc immobilier. Aux grands maux, l’Assemblée propose le Tango comme remède. L’idée est de rénover les maisons quartier par quartier, rue par rue. Cela permettrait de diminuer les coûts de rénovation grâce aux économies d’échelle. Pendant le temps que durent les travaux, les habitant.e.s seraient relogé.e.s dans des espaces tampons (logements publics…) à proximité. L’Etat gèrerait l’opération et la co-financerait, p.ex. avec des green bonds (obligations vertes), se rémunérant sur l’économie d’énergie engendrée. La danse des déménagements temporaires, rue par rue, et des corps de métiers formerait le Tango climatique si nécessaire.
3. Tiers investissement pour logements locatifs
Les propriétaires de logements mis en location ont peu d’intérêt à les rénover. Ça leur coûte cher, ils ne font aucune économie de frais et la potentielle augmentation de loyer ne suffit pas pour le justifier. Il faut cependant rénover les ~30 % de logements en location. Pour sortir de ce cul-de-sac, l’Assemblée propose un système de tiers-investissement. L’Etat financerait les travaux de rénovation énergétique et se rembourserait sur l’économie de charges générée. Le locataire continuerait à payer les mêmes charges malgré sa moindre consommation énergétique à la suite des travaux.
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Vous trouverez le rapport complet, avec l’ensemble des recommandations, sur le site www.ilferabeaudemain.team/blog. Envoyez un mail à [email protected] si vous souhaitez vous porter candidat pour participer au groupe de travail sur le logement.
Pourquoi ces Assemblées citoyennes sont si importantes ?
C’est une grande première et un pas important pour la démocratie participative en Belgique. Pour la première fois, deux assemblées citoyennes sont organisées afin de définir la ligne politique d’un parti politique. Alors que le débat public est de plus en plus polarisé, ces assemblées cherchent à rassembler des personnes de tous bords pour débattre et dégager une position commune. Elles veulent remettre l’intérêt général au-dessus des dogmes et des intérêts particuliers défendus par la plupart des partis politiques. Alors que la première assemblée était à destination des jeunes sur l’enjeu de l’accès au logement, la deuxième assemblée, sans limite d’âge, s’est réunie le 20 novembre pour voir s’il est réaliste et souhaitable d’avoir une alimentation 100 % bio, locale et respectueuse du bien-être animal en Belgique. Ces assemblées servent aussi de projets pilotes vu la volonté de continuer à en organiser régulièrement dans le cadre du futur mouvement politique.